Ac 4,8-12
1Jn 3,1-2
L’image évangélique du Christ Bon Pasteur est au
centre de la liturgie d’aujourd’hui (l’évangile),
la pierre angulaire de projet de salut de Dieu (première lecture), celui qui aime et connaît ses brebis, celles-ci
sont appelées “ à être images à l’images de Dieu, pour qu’elles puissent le
voir tel qu’il est”(deuxième lecture).
Le Christ Pasteur fait l’unité de la communauté des disciples et est la source
de solidité pour l’Eglise qui est en chemin dans l’histoire.
La première lecture (Ac 4,8-12) est le discours que Pierre, plein de
l’Esprit Saint, adresse aux autorités juives après qu’il ait guérit le
paralytique de temple. Cette apologie est adressée pour l’annonce du “Nom” de
Jésus. L’apologie se termine, en effet, avec cette phrase: “ car il n’y a pas
sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous dévions être sauvés”
(v.12). Il est important ici de rappeler la conception du non dans l’antiquité.
La personne, en effet, son être et son destin, s’exprimaient par son nom; il
existait donc entre la personne et son nom une relation existentielle. Le nom
de Jésus (en hébreux Yeshúa), effectivement, veut signifier: Yahvé sauve.
Pierre affirme clairement que l’exclusivité et l’universalité du salut de Dieu
sont liés à la personne de Jésus de Nazareth. Le prophète Joel avait annoncé
qu’à la fin des temps “ tout celui qui invoquera le nom de Yahvé sera sauvé”
(Joel 3,5). Le salut obtenu en invoquant le nom de Yahvé se réalise à travers la
foi en Jésus, lui qui a reçu de Dieu “un nom qui est au-dessus de tout nom”
(Ph. 2,9). C’est ce nom que les Apôtres doivent proclamer jusqu’à l’extrémité
de la terre comme il est dit dans les Actes des Apôtres.
La deuxième lecture (1Jn 3,1-2) manifeste l’amour de Dieu comme source
primordiale et inégalable de la notre espérance chrétienne. Par cet amour, nous
sommes arrivés “voyez quelle manifestation d’amour le Père nous a donné pour
que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes…Et ce que nous
seront n’a pas encore été manifesté ” (v.2b). Cette tension entre le « déjà »
et le « non-encore » marque toute l’existence chrétienne, orientée
vers la plénitude de la participation à la vie divine: “nous lui serons
semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est” (v.2b).
L’évangile (Jn 10,11-15) commence avec cette phrase: “Moi je
suis le bon Pasteur” (ho poimên ho kalós) (v.11a). Littéralement
l’expression grecque est traduite: “ Moi je suis le Pasteur, le bon”.
L’adjectif “bon” traduit l’adjectif grec kalós par (bon ou beau), ce qui
n’exprime pas ici l’idée de la mansuétude et de la générosité, avec lesquelles
est présentée est la figure de Jésus pasteur. L’adjectif kalós indique
dans le Nouveau Testament la qualité de quelque chose ou d’une personne, qui
sont pleinement ce qu’elles doivent être ou celles qui réalisent à la
perfection leur fonction. De cette façon l’adjectif kalós peut se
traduire aussi comme beau. Cet adjectif est utilisé dans les expression comme:
“bonne terre” (Mc 4,20), un “bon arbre” qui donne “du bon fruit” (Mt 7,17ss),
le “vin bon” (Jn 2,10), les “œuvres bonnes” de Jésus (Jn 10,32), un
“administrateur bon” (1P 4,10), “le bon soldat du Christ” (2Th 2,3), etc. Dans
l’évangile de Jean cet adjectif se réfère toujours à la personne de Jésus (ou à
sa mission). Dans le texte, kalós, souligne la plénitude de l’œuvre de
salut réalisée par le pasteur messianique. Jésus est le Bon Pasteur, l’unique
qui conduit les hommes à la plénitude de la vie et du salut.
Jésus est le Bon Pasteur parce que “
donne” sa vie pour ses brebis et instaure avec elles une relation nouvelle de
connaissance réciproque d’amour. Jn 10,11b normalement est traduit: “Le Bon
Pasteur donne sa vie pour ses brebis”. Toutefois le verbe grec employé n’est
pas “donner”. Une traduction plus proche du texte grec serai: “le Bon Pasteur
“donne” sa vie en faveur de ses brebis” (11b). Le verbe grec títhêmi
(lit. “mettre”, “placer”, “donner quelque chose”), qui apparaît au chapitre 10
aux versets 11.15.17.18., nous le traduisons comme “disposer de”. L’idée que
Jean veut souligner et qui se trouve sous-entendu dans tous ces verset, est que
Jésus “disposait” de sa vie avec une liberté absolue, intégrant dans son
existence l’affrontement avec la mort. Quand arrivera le temps, donne sa vie pour
la reprendre de nouveau, selon le pouvoir et le commandement reçu de Dieu son
Père (Jn 10,17-18). Jésus, dans le quatrième évangile, “vit avec la mort” (X.
Léon-Dufour). La mort n’est pas seulement la fin de son existence, au
contraire, une réalité qui se situe au cœur de sa vie même. Jésus ne s’accroche
pas à son existence, il ne s’attache pas à elle comme une chose que l’on
possède, mais il s’en détache sans resserve. “Dispose” d’elle avec liberté,
pour la donner.
Le bon pasteur “dispose de sa vie pour ses brebis”
(v.11b), c’est-à-dire, “ en faveur des ses brebis” ( en grec: hyper tôn
probátôn). La préposition grecque hypér suivit du génitif signifie
“pour la joie de” “en faveur de”. Ici il n’a rien avoir avec l’expression “a la
place de”, c’est-à-dire, il n’a pas le sens d’une substitution. Il ne veut pas
dire que Jésus pasteur meurt à la place des brebis. La perspective du texte
johannique n’est pas le pardon des péchés, mais la “connaissance2 entre les
brebis et le pasteur. Le pasteur sauve les brebis d’une situation globale
d’obscurité et d’éloignement, plus qu’une faute morale. C ‘est l’évangile de
Jean seulement qui fait référence aux croyants qui ont été appelés par Jésus à
la foi, les libérant des ténèbres. En résumé, l’expression du verset 11b, ne
doit pas être comprise comme les autres textes du NT (Ph 13; 1Co 15,29; 2Co
5,14-15), où on affirme que Jésus offre sa vie à la place des pécheurs, ni
aussi doit être interpréter la figure du Bon Pasteur à partir de la parabole du
pasteur et la brebis perdue de Luc 15, dans le sens du pardon miséricordieux.
L’idée johannique est plus proche d’une description théologale de la foi et de
la suite de Jésus Christ: Jésus est l’authentique pasteur parce qu’il vit et
meurt au service des brebis, donne la vie pour elles et les connaît
individuellement avec une connaissance amoureuse.
“Le mercenaire (misthôtos), qui n’est pas le
pasteur et à qui n’appartient pas les brebis, voit-il venir le loup, il laisse
les brebis et s’enfuit, et le loup s’en empare et les disperse” (v.12a). La
figure du mercenaire ressort, par contraste, la figure du pasteur, que dans
excès de gratitude connaît et aime ses brebis jusqu’à donner la vie pour elles.
“Le mercenaire quand il voit venir le loup abandonne et fuit. E t loup les
attrape et les disperse” (v.12b). La mention du loup sert pour décrire le
danger auquel sont exposées les brebis. Probablement il faisait allusion aux
risques constants auxquels sont exposés les disciples de Jésus, tenté
d’abandonner sa foi et se laisser de l’unique pasteur. Au début du v.14 est
repris le thème du Bon Pasteur qui connaît ses brebis, cependant à la fin du
v.15 une autre fois il thème de donner sa vie pour les brebis. Entre ses deux
thèmes principaux, Jean insère un argument nouveau: La connaissance réciproque
entre le Pasteur et ses brebis. Le verbe “connaître” (en grec: ginôskein)
n’implique pas une connaissance purement intellectuelle. Mais garde le sens du
verbe hébreu yada’; qui exprime une connaissance existentielle, pratique
et affective, c’est-à-dire, à travers le vie, la communion et la relation
affective avec l’autre. Dans la mentalité biblique connaître quelque chose
signifie avoir une expérience concrète d’une chose, et connaître quelqu’un
signifie entrer en relation personnelle avec cette personne. La connaissance
que Jésus a des brebis, est une connaissance d’amour. Une connaissance d’amour
dans les deux directions; Jésus connaît les siens en leur donnant la vie
éternelle (10-27-28), et les siens le connaissent d’une connaissance qui fait
jaillir la foi en lui (14,7.9; 17,3) et qui est la vraie communion avec lui. Ce
lien se fonde sur la connaissance d’amour réciproque et éternel entre le Père
et le Fils: “comme le Père me connaît et que je connaît le Père” (v.15a). Les
relations entre le Pasteur et les brebis assument aussi une dimension
théologale infinie. La connaissance d’amour réciproque qui est à la racine de
la relation entre Jésus et le disciple, n’est pas uniquement et ni simplement
une expérience psychologique ou une connaissance intellectuelle entre le maître
et ses disciples. Le modèle et la source de telle connaissance est la
connaissance réciproque du Christ et le Père. La communion entre les disciples
et Jésus est une participation de la communion existante entre Jésus et le Père.
La vie de chaque chrétien et la vie entière de l’Eglise se fonde dans le
contact personnel avec Christ et est essentiellement une expérience de
communion et de dialogue.