(Temps ordinaire -Cycle B)
1Co 10,31-11,1
La première lecture (Lv 13,1-2.45-46), fait partie de la section du livre
du Lévitique qui va du chapitre 11 au chapitre 15. Il s’agit d’un manuel pour
la distinction de ce qui est rituellement pur de ce qui en est impur. Une
personne ou un animal, ou aussi un objet contaminé par le contact avec une
personne impure, sont déclarés impurs non pas à cause d’une faute morale, mais
parce qu’en quelque sorte ils contredisent l’intégrité du créé comme cela est décrit
dans le livre de la Gn 1. Tout ce qui n’est pas intègre et parfait (non pas au
sens moral) est exclu du culte parce que sa participation s’oppose à la
sainteté du culte, c’est-à-dire avec la perfection absolue de Dieu (cf Lv
15,31). Le petit code Lévitique parle de quatre cas d’impureté: la distinction
entre animaux purs et impurs (11,1-47), l’accouchement (12,1-8), la lèpre
(13,1-14,57), les impuretés sexuelles (15,1-33).
Les versets choisis pour la première
lecture d’aujourd’hui font parti de la section qui traite de l’impureté de la
lèpre. Le texte hébreu parle de sora’at qui
sert aussi pour parler des différentes maladies liées à la peau; il ne semble
pas que dans ce contexte il s’agit de la lèpre comme telle, mais d’une maladie
guérissable et donc momentanée. Toutefois, ces maladies étaient considérées
contagieuses et donc, il était prescrit l’isolement pour ceux qui en étaient
infectés (13,45-56). Il est mieux de préciser que, le but principal de
l’isolement dans le code Lévitique n’était pas a cause d’hygiène mais au
contraire pour un motif religieux. Le manque d’intégrité ou de perfection
rendait la personne inapte pour le culte. Le prêtre avait le devoir de déclarer
qu’une personne est en effet infectée, frappée par la sora’at et aussi avait le
pouvoir de déclarer la guérison d’une personne. Une fois que le prêtre a
déclaré quelqu’un pur, c’est-à-dire guéri, en ce moment on pouvait commencer
les rites de purification et la personne retrouvait sa place dans la communauté
cultuelle.
La deuxième lecture (1 Co 10,31-11,1) est la partie finale de la section
de la première lettre aux Corinthiens (7,1-11,1), dans laquelle Paul répond aux
demandes qui lui ont été posées par ces mêmes Corinthiens à propos de certains
problèmes surgissant dans le groupe. La dernière question traitée par Paul
(10,23-11,1) concerne la nourriture: est-il légitime de manger la chair achetée
au marché, une chair qui a été sacrifiée aux idoles ? Paul répond qu’en
principe on peut tout mangé, mais il y a des cas où la prudence et la charité
empêchent de manger cette chair pour ne pas scandaliser les autres. Dans les
derniers versets, Paul reprend les deux parties de la réponse et propose les
principes généraux de l’agir chrétien. Le critère dernier pour savoir si une
chose est légitime ou illégitime est celui de savoir si cette chose est pour la
gloire de Dieu ou non. Mais Paul ajoute aussitôt la nécessité de faire
attention à la conscience des autres, qu’ils soient chrétiens ou non-chrétiens,
juifs ou païens. Comme “ le Christ qui n’a pas cherché sa propre gloire”
(Rm15,3), ainsi Paul cherchait toujours de s’oublier soi-même et devenir
serviteur de tous pour leur salut (cf Co 9,19-22). Le chrétiens de Corinthe, et
tous le chrétiens avec eux, sont invités à imiter Paul dans la conscience de sa
propre responsabilité pour la salut de tous.
Dans l’évangile (Mc 1,40-45), Marc continue à nous faire découvrir
graduellement ce qu’est Jésus de Nazareth dans sa réalité totale. Ce bref récit
de guérison du lépreux démontre l’autorité et la puissance de Jésus dans
laquelle se manifeste la miséricorde de Dieu qui libère l’homme et détruit
toutes le barrières qui divisent l’humanité.
Le lépreux rencontre Jésus dans un lieu public, dans la
rue, quand il est entrain de parcourir les divers villages de la Galilée. Les
lépreux vivaient hors de la cité, et s’ils voyaient quelqu’un s’approcher d’eux
ils devaient crier, ‘impur’, ‘impur’, pour empêcher aux autres de s’approcher
et devenir aussi impurs. Cet homme, en effet, est exclu de la société et de la
religion, et il ne peut pas entrer en contact direct avec les autres, et aussi
il ne peut pas participer au culte dans la synagogue, séparé de la communion de
vie avec Dieu, comme il en était de celui qui est descendu dans la tombe. Par
contre Jésus se laisse rencontrer par cet homme parce que le royaume de Dieu et
son salut n’ont pas des limites et il s’offre à tous les hommes sans aucune
différence. Le lépreux “vient à lui, le
supplie et s’agenouillant, lui dit: «Si tu veux, tu peux me purifier.» (40).
Jésus a l’autorité et le mérite de le guérir et de décider. Cette autorité et
cet pouvoir ne sont pas comme ceux des prêtres qui pouvaient déclarer seulement
la guérison d’un lépreux et ne pouvaient pas le guérir. Être lépreux pour
l’Ancien Testament était au même niveau que la mort et donc la guérison d’un
lépreux était considérée une œuvre vraiment prodigieuse, égalée à la
résurrection d’un mort. Seul Dieu peut le faire (cf Nm 12,10-12;2 R 5,7).
Devant la souffrance du suppliant “ Jésus ému de compassion,
il étendit la main, le toucha et lui dit: «Je le veux, sois purifié »” (v.41).
Le verbe “être mu de compassion” traduit le verbe grec splangnizomai, qui indique la tendresse et l’amour qui jailli des
entrailles maternelles. Jésus agit mu par la miséricorde sans limite que Dieu a
devant l’homme. Et, Jésus “étendit la main”. Dans ce geste nous pouvons nous
rappeler dans l’Ancien Testament, pour montrer la puissance opérante de Dieu
dans l’histoire en faveur de son peuple, particulièrement durant l’exode, il
est dit que Dieu a libéré son peuple “avec la main puissante et le bras étendu”
(Dt 7,19; cf aussi Ex 3,19-20; 6,1; Dt 7,19, 9,26; 11,2; 26,8; Gn 4,24; Ps
136,12; Dn 9,15). L’action de Jésus est une œuvre de libération en faveur d’un
homme isolé et détruit. Jésus montre d’avoir la même puissance divine qui
sauve, guérissant un lépreux en le touchant par sa main et sa parole prononcée.
Les paroles “ Je le veux, sois purifié” nous placent devant le vouloir profond
de Jésus, un vouloir qui s’exprime dans la volonté de guérir ou de purifier,
dépassant ainsi tout judaïsme qui divise, sépare, organise rituellement les
hommes, marginalisant les impurs réhabilitant les sains, mais sans pour autant
être capable de purifier. Dieu montre à travers le vouloir de Jésus son dessein
pour tout homme: être pur, c’est-à-dire entrer en rapport avec le Dieu Saint et
avec les autres hommes, sans interdit et en pleine liberté. Touchant un lépreux
on devenait impur comme lui. Mais Jésus, touchant ce lépreux, le rend pur et touchable.
Jésus envoie le lépreux à un prêtre pour que celui-ci
confirme sa guérison. Et suivant la loi lévitique, il devait offrir un
sacrifice. Jésus veut intégrer le lépreux guéri dans la communauté d’Israël.
Mais le lépreux va au-delà et il commence tout de suite à proclamer la nouvelle
de ce qui lui était arrivé: il commence à “proclamer” (grec: kerissein, d’où le terme kerigma) ce qu’a fait Jésus. Comme la
belle-mère de Pierre, à peine guérie, commence à servir, ainsi comme ce
lépreux, à peine guéri, pense à partager avec les autres le don reçu. Celui qui
a été guéri “ propage la parole (ton
logon) ”. Dans l’évangile de Marc le terme lógos indique
l’enseignement de Jésus (cf. Mc 2,2; 4,14; 8,32; 13,31). Le chemin qu’a dû
parcourir cet homme “purifié” à partir de Jésus, c’est le même chemin que devra
parcourir chaque disciple: Venir à Jésus, accepter ses limites, expérimenter sa
miséricorde et sa puissance libératrice qui rend libre tout homme, et enfin
devenir évangélisateur et témoin des grandes œuvres de Dieu.